Une nouvelle statue a été érigée à Argenteuil, en hommage à Jean Moulin. En ce soixante-dixième anniversaire de la création du Conseil national de la Résistance, cette cérémonie avait tout son sens. Il n’avait aucun lien avec la ville, comme Gabriel Péri qui en avait été député, ou comme Rino della Degra, jeune résistant né à Argenteuil. Ils ont tous les deux une stèle qui leur est consacrée. Il y a des monuments dédiés à Jean Moulin à Chartres, où il a été préfet, un autre à Caluire, où il a été arrêté, et une plaque à la gare de Metz, où il est mort dans un wagon qui aurait dû le transporter en Allemagne. Jean Moulin est devenu le résistant le plus célèbre et le plus honoré de France. Son nom figure dans les premiers rangs des appellations de rues dans le pays. Nous avions déjà une rue Jean Moulin à Argenteuil, pas loin du Val Notre-Dame. Alors, pourquoi pas une statue ? Qui ne connait pas l’oraison funèbre d’André Malraux lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon ?« Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé comme toi, et même, ce qui peut être plus atroce, en ayant parlé ». Cela au risque de faire parfois oublier d’autres grands organisateurs de l’armée souterraine, et de reléguer dans l’ombre d’autres martyrs héroïques de la lutte, tels que Pierre Brossolette ou Jacques Bingen ? Pierre Brossolette, qui avait été torturé, s’est jeté de la fenêtre de l’immeuble où il était interrogé, et il a succombé, à 40 ans, sans avoir parlé. On aurait pu lui ériger aussi une statue…Pierre Brossolette, précurseur du gaullisme, bien que socialiste, était un visionnaire. Les femmes de la Résistance méritent aussi notre respect. Connues ou pas du « grand public », elles figurent dans notre Histoire. Et comme dit Jean-Louis Debré dans son très beau livre « Ces femmes qui ont réveillé la France », si Jeanne d’Arc incarne une certaine idée de la France, Marianne illustre et personnifie la République. Marianne était Lucie Aubrac, pourquoi pas une statue d’elle à Argenteuil .Lucie Aubrac, qui a fait plusieurs fois évader son mari dans des circonstances combien périlleuses, qui a rempli d’innombrables missions entre Londres et la France. Un de ses enfants a d’ailleurs pour parrain le Général de Gaulle. Et qui connaît aujourd’hui Bertie Albrecht, autre Marianne résistante, décédée à la prison de Fresnes par pendaison, un probable suicide, car elle craignait de parler sous la torture…Elle est l’une des six femmes Compagnons de la Libération et l’une des deux femmes inhumées dans la crypte du Mont-Valérien. Une femme résistante honorée lors d’une prochaine cérémonie, pourquoi pas ? Mais en toute simplicité et sans frais de statuaire, nous n’en avons pas les moyens.
Charlie Brown
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