La présence sur le web des candidats aux municipales est un véritable enjeu de visibilité…
Six ans ont passé depuis la dernière campagne des municipales, six années qui ont vu s’opérer une véritable mutation de la société en termes de techniques de communication et d’information, de mobilisation collective et donc de stratégie électorale. L’échéance des municipales du printemps prochain bénéficie donc de l’expérience des campagnes passées mais surtout des évolutions des nouveaux outils et possibilités offertes par le web. La présidentielle de 2012 mais surtout les deux élections remportées par Barack Obama, aux Etats-Unis ont révélé le pouvoir des bases de données et des messages ultra ciblés dans la victoire. Pour preuve, l’équipe du candidat démocrate pouvait envoyer jusqu’à 10 messages différents par jour en ciblant les jeunes, les retraités, les afro-américains, etc. « Envoyer le bon message à la bonne personne, c’est beaucoup plus efficace que de balancer plusieurs centaines de tracts sur un marché » confirme un conseiller de Nathalie Kosciusko-Morizet. Les enjeux de ces municipales sur le web sont donc non seulement la visibilité des candidats mais également l’efficacité et le ciblage des publics clés. A droite comme à gauche, on s’accorde sur cette affirmation : « L’utilisation d’Internet et de logiciels très spécifiques vont avoir un rôle indéniable dans cette campagne » explique Clémence Pène, responsable de la cellule numérique d’Anne Hidalgo, candidate PS à la Marie de Paris. De son côté, Charlotte Bousser, en charge des réseaux sociaux pour la candidate UMP à la Mairie de Paris, NKM, renchérit : « La campagne se jouera autant sur le terrain et dans les médias que sur le web. Jusqu’ici, le web a plutôt été utilisé comme une simple vitrine, mais cette fois, on va franchir un cap ». Dans cette bataille du numérique politique, il n’y a pas que les résultats électoraux finaux qui sont en jeu, l’image numérique des candidats est également cruciale. Pour preuve, les nombreux classements qui fleurissent sur le sujet, comme par exemple celui réalisé par Augure « Les maires les plus influents sur Internet », les études d’Adverbia « Les collectivités et les réseaux sociaux » ou les baromètres Edgar Quinet « Collectivités territoriales et réseaux sociaux ». Ce bouillonnement de classements instaure, de fait, une certaine compétition entre les candidats, les élus et leurs territoires. C’est à celui qui sera le plus connecté, le plus actif ou le plus à l’écoute. Autre initiative proposée par le site Elus 2.0, retrouver les messages publiés par les candidats sur les réseaux sociaux. Là encore, c’est presque une quasi obligation de présence qui s’instaure. … Oui mais comment et pour quoi faire ? L’émergence des nouveaux outils sur le web a inévitablement rebattu les cartes des stratégies électorales habituellement déployées. En effet, si de très nombreux candidats et leur staff ont bien intégré que faire campagne avec et sur le web était incontournable, la question du « Pour quoi faire » reste souvent entière car justement avec ces nouveaux outils, plusieurs objectifs peuvent être atteints – répondant chacun à des enjeux de campagne et électoraux biens distincts – recruter des soutiens et militants, échanger, mobiliser pour construire un programme, lever des fonds, initier une « guérilla numérique » avec ses détracteurs et concurrents, etc. Tout dépend donc de la stratégie électorale du candidat. Lorsque celle-ci est définie, la stratégie digitale en découle. Cependant, il ne faut pas croire que les outils feront tout. En effet, sans une équipe aguerrie aux techniques électorales et mobilisée, ils ne seront que des coquilles vidées de leur potentiel. Au regard de la stratégie digitale retenue, les équipes de campagne ont alors la possibilité de déployer l’image de leur candidat sur de nombreux supports : site, Facebook, Twitter, plateformes vidéo, etc. Doit-on être présent partout ? Comment être efficace ? Comment ne pas succomber à un effet « de mode » et conserver sa ligne directrice et ses objectifs ? Comment suivre ces innombrables discussions sans être noyé et surtout créer de la valeur ? Tant de questionnements légitimes et cruciaux dont se sont emparés différents acteurs… La nécessité d’une stratégie « électorale digitale » a fait émerger un véritable créneau business. De nombreux professionnels proposent aux candidats et à leurs équipes des formations aux réseaux sociaux et packs clés en main leur permettant de mettre en place la meilleure stratégie digitale qu’il soit (site de campagne, plateformes dédiées, référencement, etc.) C’est un des aspects très novateurs de cette campagne. D’un point de vue financier, Marc Fauvel, chef du service politique de France Inter, estime que le coût d’une campagne s’élève en moyenne à 20 000 € dont 4 000 € pour le volet digital. Si le coût reste un sujet à part entière, ce n’est plus un frein à l’action et au déploiement d’une stratégie digitale efficace. Focus sur les techniques marketing… Au-delà des techniques de communication et d’information, les outils à disposition des candidats s’avèrent être de puissantes machines marketing et le camp socialiste semble être à la pointe sur ce segment. Anne Hidalgo s’offre ainsi les services d’un logiciel utilisé par les équipes de Barack Obama « Blue State Digital » qui permet, selon Clémence Pène, « de jouer la viralité, d’inviter des amis… jusqu’à créer une communauté qui s’épaissit de jour en jour ». Aux côtés de cet outil, la candidate peut également compter sur un logiciel développé par trois français ayant fait leurs classes au MIT, acquis par le PS pour la campagne : 50+1. La valeur principale de ce logiciel est de cibler les électeurs indécis à partir d’une batterie d’indicateurs : les résultats électoraux par bureau, les données socio-économiques, l’impact des mesures gouvernementales, etc. Les résultats générés permettent de cibles lez zones prioritaires, concevoir des feuilles de route pour le porte-à-porte, envoyer des SMS et mails, etc. Autres candidats, autres outils : Patrick Mennucci (candidat PS à la Mairie de Marseille) ou encore Philippe Doucet (maire PS sortant d’Argenteuil) utilisent le logiciel américain NationBuilder qui permet de gérer de larges communautés grâce à des nombreuses fonctionnalités : proposition d’évènements, gestion de contacts, envois ciblés, etc.
… Au service de la mobilisation des militants Que les actions se passent sur le terrain ou en ligne, c’est la même stratégie qui s’opère comme le précise Matthieu Lerondeau, Directeur associé de l’agence La Netscouade qui accompagne plusieurs équipes de campagne : « L’arme secrète, ce sont les militants, pas le logiciel ». Une continuité des recettes électorales qui fonctionnement avec comme arme majeure, le porte-à-porte, technique qui permet de faire changer d’avis une personne sur 14 contre une sur 100 000 avec l’affichage et le tractage, selon Arthur Muller, un des créateurs du logiciel 50+1. Gage que cette campagne mélange les cartes et permette de briser les frontières entre stratégie électorale en ligne et hors ligne. En définitif, ces outils toujours plus performants, ont comme finalité de mobiliser les militants sur le terrain en leur apportant de l’information qualifié pour entretenir et développer les liens et conversations avec tous les publics. Des outils qui permettent donc de redonner la parole aux citoyens, matière précieuse à prendre en compte par tous les candidats dans une période où le sentiment de défiance et d’éloignement de la classe politique est exacerbé. |